Interview Maître Yannick GARNIER, notaire à Thonon-les-Bains
Prenez une population qui comptera deux fois plus de retraités et quatre fois plus d’octogénaires en 2050, aux ¾ propriétaires de leur logement. Ajoutez un climat inflationniste réduisant leur pouvoir d’achat, une fiscalité qui pèse sur le patrimoine immobilier, une retraite par répartition à bout de souffle et un marché immobilier freiné par des taux d’intérêt en hausse et des banques frileuses... Et vous obtiendrez toutes les conditions pour que la vente en viager, très prisée des 70-85 ans, connaisse une seconde jeunesse.
Expert en la matière, Maître Yannick Garnier, notaire à Thonon, nous confirme l’excellente santé de cette forme de transaction, connue pour être la plus vieille retraite du monde :
« Si le viager ne représente aujourd’hui que 1% des transactions immobilières (4 000 à 5 000 ventes par an), sa part progresse de façon significative depuis 15 ans. Et au vu du contexte actuel, il y a fort à parier que le viager poursuive sur sa lancée ; d’abord comme opportunité immobilière sur un marché de l’ancien à court de biens, mais aussi comme solution patrimoniale et de prévoyance, capable de concurrencer les investissements locatifs et les placements en assurance vie. »
Le viager dans ses grandes lignes et en détail
Dès l’origine, la vente d’un bien en viager impose en contrepartie le versement d’une rente à vie au vendeur. Cette part d’aléa, adossée à la pierre, valeur refuge par excellence, confère à cette transaction un intérêt particulier, qui fait son effet quel que soit le type de viager envisagé.

Le viager occupé :
vous achetez un bien sur lequel le vendeur (crédirentier) garde un droit d’usage et d’habitation à vie. Moyennant quoi vous bénéficiez d’une décote et étalez le paiement dans le temps, avec un bouquet versé le jour de la vente et une rente mensuelle versée à vie au vendeur.
Le viager libre :
libéré de toute occupation, le bien peut être habité ou loué par l’acquéreur (débirentier) immédiatement. Le règlement reste étalé dans le temps, avec un bouquet payé comptant à la vente et une rente versée chaque mois jusqu’au décès du vendeur. Le calcul se fait sur la valeur vénale, sans décote.
La vente en nue-propriété (ou viager sans rente) :
dans cette forme de viager, le montant du bien est intégralement versé le jour de la signature de l’acte. Grevé d’un droit d’usage et d’habitation ou d'usufruit à vie au profit du vendeur, sa valeur bénéficie d’une décote.
Le viager : Pourquoi ? Pour qui ?
Côté vendeur : le viager, par le bouquet perçu et la rente mensuelleà vie, constitue un excellent complément de revenus.Parfaitement adaptée pour des personnes seules, cette option permet de mieux vivre sa retraite et d’anticiperun placement en EHPAD. Dans une optique de gestion patrimoniale, la vente en viager est un bon moyen de protéger son conjoint survivant, grâce à la réversibilité de la rente viagère, ou de simplifier le partage des biens, en versant aux héritiers une part équitable des sommes perçues. Une donation de son vivant d’autant plus intéressante qu’elle s’accompagne d’exonérations fiscales. A contrario, d’autres choisissent le viager pour ne rien laisser à leurs descendants. Pour qui possède plusieurs biens, l’idée peut être de vendre sa résidence principale en nue-propriété avec réserve d’usufruit pour la mettre en location, et d’élire domicile dans sa résidence secondaire. Un choix doublement gagnant.
Côté acheteur :le viager occupé permet aux investisseurs de se constituer un patrimoine en profitant d’une décote sur le prix réel du logement (équivalente aux loyers non encaissés). C’est aussi un moyen d’acquérir une résidence secondaire future à moindre coût. Un viager libre permet quant à lui d’accéder à la propriété ou de faire un investissement locatif, sans nécessairement disposer d’un capital initial élevé. « Depuis quelques années, constate Maitre Garnier, des motivations d’un autre ordre concourent à l’essor du viager. Parmi lesquelles la volonté d’échapper au dictat des banques et à des taux d’intérêts trop élevés. Ou l’envie de combiner opportunité immobilière et acte solidaire, en permettant à une personne âgée de mieux vivre.
Fiscalement parlant, l’achat en viager cumule les avantages, avec des frais de notaires moindres, une décote qui vaut autant de loyers défiscalisés et un bien qui ne rentre dans l’assiette de l’IFI qu’à hauteur de la valeur fiscale de la nue propriété. »
Fort de tout cela, le viager a de belles années devant lui, d’autant qu’il concerne désormais tous les produits immobiliers, et plus seulement le bien à l’emplacement prisé, pour abriter une retraite dorée. « Mon conseil, c’est d’investir dès l’âge de 30-40 ans dans plusieurs petits appartements, auprès de vendeurs ayant au minimum une génération d’écart.
Ceci permettra de « diluer » le risque d’avoir des viagers qui s’éternisent, dans un contexte d’allongement de la vie. Même si, au final, entre la décote à l’achat et la valorisation du bien au fil des années, on est rarement perdant en achetant en viager».
Bon à savoir
Dans le cas d’une vente en viager, le financement par emprunt bancaire est très difficile à obtenir, sauf à apporter d’autres biens ou placements en garanties. Pour une vente en nue- propriété, le recours à l’emprunt est pratique courante.
Date de mise à jour : 07/02/25
Date de création : 07/02/25